mercredi 3 août 2011

Avez-vous un peu de change s.v.p.?

C'était hier. À cause de l'effondrement du tunnel Viger, j'ai décidé de reprendre ma routine du train de banlieue. Mon ordinateur est pesant, c'est lourd à porter et je dois marcher 20 minutes au centre-ville, du centre Bell au complexe Desjardins. Qu'à cela ne tienne, j'ai trop peur que l'échangeur Turcot me tombe dessus.

Mais ce n'est pas le sujet de mon billet.

Hier matin, alors que je marchais d'un bon pas sur le boulevard René-Lévesque en direction du complexe, j'ai aperçu une vieille dame à la dernière minute qui tenait la classique tasse de café en carton dans ses mains. Rendue à sa hauteur, elle m'a demandé : Avez-vous un peu de change s.v.p.? Pas de trace de drogue ou d'alcool qui aurait laisser deviner un profil itinérant. J'étais surprise par la qualité du français de la femme, par son allure quand même fière. J'étais pressée, j'ai un sac à dos qui pèse un tonne sur mes épaules, mon portefeuille est dans ma sacoche qui pèse une autre tonne. J'ai déjà dépassée la dame de plusieurs mètres quand tout ça me frappe de plein fouet. Mais qu'est-ce qu'elle fait là? Qu'est-ce qui se passe dans la vie de cette femme pour qu'elle soit si démunie? Et cette vague de tristesse et de réalisme qui m'envahit... Ça pourrait tout aussi bien être moi un jour. Mais je suis trop loin et pour vous dire bien franchement, je capotais un petit peu devant cette situation.

Ce matin, j'emprunte bien sûr le même chemin. Et assurément, la dame si trouve encore. Même endroit, même tasse de café en carton... J'ai fait des petits calculs dans le train. Ce moyen de transport me fait économiser au bas mot 15$ par jour. J'ai 5$ dans mes poches... Je m'approche de la femme et lui tend le 5$. Je lui dis bonjour et je lui demande ce qu'elle va faire avec l'argent. Pas que je suis septique, je veux engager la conversation avec elle. La voilà qui me fait un gros pot avec sa bouche.

- Je vais me prendre un bon café... qu'elle me répond.

- Madame, arrêtez de pleurer! Vous savez pas à qui vous parlez. Je suis une vieille braillarde! Vous allez me faire pleurer! que je lui ai répondu en lui caressant le visage avec mes deux mains.

- Mais qu'est-ce qui vous est arrivé pour vous retrouver dans une situation aussi précaire?

Toujours remplie d'émotions elle me raconte qu'elle est commis-comptable, qu'elle a 63 ans et que la compagnie pour laquelle elle travaillait a fermé ses portes il y a environ 3 mois. Depuis, elle court nos institutions gouvernementales (assurance chômage et la RRQ). On lui a assuré que bientôt, elle aurait de nouveau des revenus...

Un 5$ bien placé et qui sera minimalement réinvestit à chaque fois que je rencontrerai ma belle dame.

7 commentaires:

  1. Comme quoi, personne n'est à l'abrit de l'immobilisme de nos chers fonctionnaires...
    C'est Charlebois qui chantait,"blâme pas le gouvernement mais débarasses toi z'en"
    Je te lève mon chapeau bien haut, Dame Talou...

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  2. Ô non Barbe Blanche! Je n'ai pas écrit mon billet pour qu'on me lève le chapeau. C'est même stupide ce petit 5$ et j'en suis gênée.

    Ce qui m'importait le plus c'est de partager son histoire. Cette femme est inspirante!

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  3. Belle histoire à retenir.

    Dans mon petit village, le personnage le plus important pour moi est un humble itinérant qui ne manque jamais de m'instruire de la vie à chaque fois que j'ai la chance d'engager la conversation avec lui et cela sans aucun frais.
    Dire que c'est moi qui profite de cette grande personnalité!!!
    Si on connaissait l'histoire de chacun, et qu'on prenait le temps ... peut-être que notre vie serait des plus hamonieuse ...

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  4. @ Le factotum
    C'est bien là l'essence de ma rencontre avec cette femme. Ce n'est pas la première fois que je parle de l'itinérance. En juillet 2010, j'ai écrit un billet sur l'indifférence et son effet dévastateur sur l'être humain.

    Les itinérants sont des êtres humains à part entière... avec, comme tu le dis si bien, toute une histoire qui les accompagne. Ils ont tous un message à nous livrer, ne serait-ce qu'une grande leçon d'humilité.

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  5. C'est bien toi ça. Une boule de bonté. La vieille dame a pleuré, t'as fait pleuré. Ben avec ton texte, on était trois à pleurer...

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  6. J'avais tellement le goût de la prendre dans mes bras... et il n'est pas dit que je ne le ferai pas avant longtemps.

    :)

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  7. Il fut un temps où, marchant à Montréal, mon chum et ma fille s'y vidaient les poches, incapables de résister. C'est qu'on n'en croise pas souvent chez nous, des personnes itinérantes, et qu'elles ont beaucoup à nous apprendre de la vie et de la nature humaine. Moi, je leur fais toujours des sourires, parce qu'en général, je n'ai pas de sous sur moi. En fait, c'est leur apport à notre société, pour peu qu'on veuille s'ouvrir les yeux, les zoreilles et le coeur.

    Cette dame que tu évoques, elle représente un nouveau phénomène qu'on verra probablement plus souvent dans notre société. Quand t'es trop vieille pour recommencer ta vie ailleurs et trop jeune pour avoir droit à une pension dans le pays où t'as payé des impôts depuis ton adolescence. Cette dame, ça pourrait être moi dans 10 ans...

    Donne-lui 5 $ pour moi... et un sourire ♥

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