jeudi 22 juillet 2010

S.V.P., tout sauf l’indifférence...

J’ai un client au centre-ville pour qui je travaille une journée par semaine. Le bureau est situé juste en face de l’hôpital St-Luc à Montréal. J’y vais tous les mardis et chaque fois, un itinérant est juste en face des marches – c’est au 2e étage – et accompagne les passants qui se présentent à la borne pour le stationnement. Shame on me, je réalise que je ne sais pas son nom.

C’est toujours la même chose. Les gens approchent la borne et il leur explique que la machine ne prend pas d’argent avant 9 h, car le stationnement n’est payant qu’à partir de cette heure. Les gens pestent, car leur rendez-vous à l’hôpital est à 9 h et attendre que la borne accepte le fric fait en sorte qu’ils sont en retard à leur rendez-vous, que ce soit par affaires ou encore médical. Du coup, il en profite pour demander une cigarette et parfois même de la petite monnaie. Le tout est très convivial, il ne fait aucune pression.

Souvent j’attends en haut des escaliers sur le petit balcon qu’un des employés arrive et m’ouvre la porte. Je regarde la scène et l’interaction en bas. Ce mardi, une famille attendait que la fameuse borne accepte l’argent pour acquitter les frais de stationnement. Cette famille n’est pas riche, c’est facile à voir, les vêtements, les coupes de cheveux, les dents manquantes à l’avant chez la dame, vous voyez le portrait. Néanmoins, je remarque la femme qui fouille furieusement dans sa sacoche et y retire de la monnaie qu’elle donne à son mari en lui faisant signe de donner le tout à mon contrôleur de circulation! Le mari s’empresse de donner la monnaie et elle de s’excuser en disant que « ce n’est pas grand-chose, mais c’est tout ce que j’ai. » Mon ami est heureux de sa récolte et lui témoigne sa gratitude par un sourire, il va sans dire édenté.

Arrive à peine quelques secondes plus tard, une blonde d’Outremont – ou était-ce de ville Mont-Royal – qui stationne sa Lexus juste en face et s’approche à son tour de la borne pour payer.

Édité suite à un message de Who...

Des détails me portent sérieusement à croire qu'elle a un rendez-vous d'affaires. Outre les talons hauts et l'habillement, elle a récupéré dans son auto, mallette et porte-documents...

Mon régulateur de circulation lui explique la situation, en fait tente de le faire... La pouffiasse agit comme s’il n’existait pas. Elle ne le regarde même pas et fait semblant d’être absorbée par d’invisibles préoccupations. De plus, elle parle avec d'autres personnes autour qui attendaient elles aussi. Malaise...

Dans ma tête, mon âme, mon cœur, il y a eu un petit rêve cochon... Des pneus dégonflés, son auto grafignée à son retour, une contravention... Je ne sais pas, quelque chose du genre... l’humain est capable du meilleur et du pire... à quelques secondes d’intervalles.

Je ne donne pas d’argent à tous les itinérants, à tous les jours au centre-ville, ça n’aurait pas de fin. Mais au moins, je ne les ignore pas, je ne fais pas comme s’il n’existait pas... Il n’y a rien de pire et c’est Dan Bigras qui nous le rappelait, il y a quelque temps, je ne me souviens plus à quelle occasion, mais j’ai bien enregistré le message. Je regarde la personne bien en face, je lui fais un sourire et je lui dis « pas aujourd’hui »... et ça veut dire au fond peut-être demain...

11 commentaires:

  1. Certaines personnes n'ayant jamais manqué de $$$$ sont tout simplement insensibles à la détresse humaine. Il leur manque l'expérience d'avoir eu VRAIMENT froid, VRAIMENT faim, de se demander avec inquiétude comment ils pourront payer les comptes, qui reviennent implacablement: n'ont même jamais eu à se serrer la ceinture. Et ce sont ceux-là en général qui clameront haut et fort que l'argent ne fait pas le bonheur.

    Les itinérants il me semble en voir de plus en plus, est-ce mon imagination? Et l'attitude de la blonde à la Lexus, faire semblant de ne pas voir, c'est bien la forme du mépris le plus total. Dire bonjour ça ne coûte rien, et un rayon de soleil dans la vie de ceux qui n'en ont pas souvent. Tu as une belle sensibilité Talou!

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  2. C'est malheureux que les gens agissent ainsi. Je l'ai fait aussi, pas par mépris, mais par gêne de ne pas donner.

    Mais j'ai compris, grâce à Dan Bigras, qu'on n'est pas forcé de donner tout le temps, mais qu'on doit se forcer à réagir à la présence de quelqu'un. Je m'assume maintenant dans le fond. Si j'ai donné la veille ou la semaine dernière, j'ai donné, ça me regarde. Mais je dis à la personne devant moi, tu es là, je te vois, mais je ne donne pas aujourd'hui... peut-être demain.

    Tu sais, il m'est arrivé un matin au centre-ville encore une fois (oui, il y a plus d'itinérants) de faire un gros sourire sincère à celui qui faisait des pitreries pour amuser les automobilistes et ainsi obtenir une petite obole... Il m'a fait signe de baisser ma fenêtre et il est venu me voir pour me dire : «Madame, votre sourire, c'est la plus belle offrande de ma journée à date!» J'ai failli sortir un billet de 20$, ça le valait bien! Mais je me suis retenue, je voulais que ça reste sincère de sa part comme de la mienne...

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  3. Je te lance une pensée! Femme, Lexus ou non, à l'hôpital. Qui/quoi l'attend? Sa mère sur ses dernières heures, le résultat d'une biopsie? C'est peut-être une femme préoccupée qui donne normallement généreusement. Qui sait? Alors, est-ce le meilleur our le pire de la nature humaine que de souhaiter des malheurs à cette dame? Question de conversation seulement!

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  4. Très pertinente comme remarque. D'autant plus que je n'ai pas donné le détail qui me portait sérieusement à croire que c'était un rendez-vous d'affaires. Outre les talons hauts et l'habillement, elle a récupéré dans son auto, mallette et porte-documents... De plus, elle a parlé avec d'autres personnes autour qui attendaient elles aussi.

    Pas de critique sur le fait qu'elle n'ait pas donné. Regard déçu sur son comportement avec l'itinérant... Peut-être qu'elle a été traumatisée dans le passé par un autre itinérant que tu me diras? On peut chercher longtemps.

    De toute façon, ce n'était qu'un petit rêve cochon de ma part. Je lui souhaite pas mal plus de se faire sortir du pétrin un jour par un itinérant que d'autres choses. La leçon serait pas mal meilleure...

    Merci pour ta remarque. Ça a servi, j'ai changé mon mauvais sort pour cette jeune femme!

    :)))

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  5. La détresse humaine laisse malheureusement plus souvent qu'autrement, les biens nantis de ce monde, dans le meilleur des cas,totalement indifférents, car on en voit de plus en plus souvent, demander que les gouvernements coupent dans les programmes sociaux, afin d'équilibrer les budgets.
    Le partage et la solidarité, c'est souvent l'affaire des gens qui ont connuent les réalités de la vie.

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  6. Que la vie me garde de devenir aussi froide devant la misère humaine... La solidarité est le seul choix possible pour la survivance de l'humain...

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  7. J'ai bien aimé ce texte ma chère soeur (mais pas religieuse). Mon esprit ressemble au tien à propos de ces itinérants et comme partout ailleurs, il y en a des trouducs et des soleils. Quant à ta "poufiasse", tu me connais : aurait fallu que je lui pousse une remarque quelconque pour la faire ... sure.

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  8. Ouin,

    Disons que pour une fois que j'aurais été avec toi, je t'aurais applaudi au lieu de courir me cacher derrière toi et faire semblant de ne pas te connaître...

    :)))

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  9. Voilà une réalité qui n'est pas du tout la même à Montréal qu'en région. L'itinérance et la misère prennent ici d'autres visages, plus difficiles à voir. Chaque fois qu'on va à Montréal, qu'on marche ou qu'on prenne le métro, ça nous coûte un bras parce qu'on ne peut pas résister à ça, on donne tout ce qu'on a dans les poches. Quand ma fille était petite, elle voulait tous leur parler, leur poser des questions, elle était fascinée mais bouleversée par l'itinérance. Elle a écrit des chansons, fait des dessins là-dessus.

    L'indifférence ne risque pas de nous atteindre. Je crois aussi que ce serait la pire attitude à adopter, ce mépris de nos semblables qui ont eu moins de chance ou plus d'épreuves. Personne n'avait ça comme rêve dans la vie.

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  10. C'est quoi le visage de l'itinérance et de la misère chez vous Zoreilles?

    Comment la communauté agit-elle aussi face à cette réalité? Elle doit certainement mieux s'organiser qu'à Montréal non?

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